Plutôt qu’un revenu universel, qui propose une vision irénique de la vie libérée du travail, un mécanisme de garantie de l’emploi adossé à la construction écologique permettrait de sortir du chômage de masse tout en insérant les individus dans grand projet mobilisateur.
Par Alexandre Ouizille, porte-parole de la campagne Un emploi vert pour tous et Chloé Ridel, porte-parole de la campagne Un emploi vert pour tous
Le revenu universel est de retour. L’idée défendue lors de la dernière élection présidentielle par Benoît Hamon resurgit alors que la crise sanitaire révèle les angles morts de notre protection collective et que l’opinion est saisie par le dénuement d’une partie de la jeunesse. Des personnalités, de gauche à droite de l’échiquier politique, s’approprient la mesure, qui pourrait devenir une solution à la crise sociale due au Covid et être mise en débat lors de la campagne présidentielle.
Des mesures de soutien monétaire d’urgence, notamment au profit de la jeunesse étudiante, sont indéniablement nécessaires face à la crise. Pour autant, «l’après» exige que nous ne perdions pas de vue l’impératif de conduire la reconstruction écologique et de conjurer la pandémie sociale qui pourrait résulter des centaines de milliers d’emplois détruits. L’ambition du revenu universel est louable mais elle se situe en réalité très en deçà de la promesse constitutionnelle du droit d’obtenir un emploi. Chacun peut attendre des personnes avec qui il fait nation qu’elles lui reconnaissent une utilité et des talents, et lui accorde le droit de les faire valoir. Le revenu universel n’est, finalement, qu’une forme de solde de tout compte de la société vis-à-vis de l’individu, une transaction monétaire qui vaut quitus. Il ne répond pas à la demande de ces millions de Françaises et de Français qui veulent travailler.
Nous pensons, à l’inverse, que le travail existe en quantité inépuisable et que seul l’emploi manque aujourd’hui. Nous pensons qu’il n’est plus possible d’indemniser des gens à être malheureux chez eux alors qu’ils souhaitent contribuer au bien commun. Le revenu universel est silencieux sur ce point. Il propose une vision quelque peu irénique de la vie libérée du travail. Il oublie les pathologies que la privation d’emploi crée ou aggrave. Il est sans réponse sur le sentiment d’inutilité sociale, sur l’ennui et parfois la honte que le chômage engendre.
C’est pourquoi nous préférons à une garantie de revenu – comme le revenu universel – une garantie de l’emploi. Nous en avons posé un premier jalon en proposant la création d’un million d’emplois verts pour les personnes qui sont privées de travail depuis plus d’un an. Cette proposition s’appuie sur la généralisation de l’expérimentation «Territoires zéro chômeur de longue durée» sur l’ensemble du territoire, sur la création d’emplois verts subventionnés en entreprises, dans les associations et collectivités publiques, et sur une augmentation des effectifs de l’insertion par l’activité économique. Les emplois créés seront fléchés par les acteurs d’un territoire – collectivités territoriales, d’entreprises et de professionnels de l’emploi –, rassemblés dans un comité local de l’emploi.
Ces emplois permettront de développer l’économie circulaire avec des postes de recycleurs, de réparateurs d’objets du quotidien et de récupérateurs de matériaux rares. Ils assureront aussi une nouvelle manière d’entretenir et de valoriser la nature avec des emplois dans le maraîchage ou dans l’entretien des forêts et du littoral. Ils révolutionneront le secteur du BTP avec des ouvriers dans l’éco-cimenterie et dans la requalification de certains bâtiments. Bref, ils participeront à l’émergence progressive d’un nouveau modèle de développement.
Ils le feront en évitant l’immense gâchis humain et financier lié au chômage de masse. Chaque année le chômage d’exclusion coûte aux finances publiques, directement ou indirectement, plus de 36 milliards d’euros. En mettant en œuvre notre proposition, nous pouvons créer des emplois à un coût limité c’est-à-dire autour de 20 000 euros par emploi. C’est bien moins que pour les emplois créés par le CICE qui ont coûté 280 000 euros par emploi et sans commune mesure avec la généralisation d’un revenu universel.
Permettre aux gens de retrouver un métier qui a du sens, de s’inscrire à nouveau dans un collectif de travail, de participer d’un grand projet mobilisateur qui les rend fiers comme la transition écologique, voilà l’horizon que nous devons nous donner.