Madame, Monsieur,
Nous sommes le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Cette année, la date a une signification particulière pour notre pays. Il y a quelques jours la France est devenue la première Nation au monde à inscrire dans sa constitution la liberté garantie à la femme de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). En congrès, à Versailles, lundi, j’ai voté en conscience pour cette réforme de notre loi fondamentale dont je veux partager avec vous aujourd’hui la signification.
La constitutionnalisation vient offrir une protection renforcée à la liberté des femmes de recourir à l’IVG alors que celle-ci est de plus en plus menacée dans le monde. Aux États-Unis, 14 États américains sur 50 ont remis en cause le droit à l’avortement depuis 2022. En Hongrie, un décret de la même année oblige les femmes à écouter les battements du coeur du foetus avant tout avortement. En Pologne, le droit à l’avortement a été refermé au point que 95 % des avortements pratiqués avant 2020 ne peuvent désormais plus l’être. Fallait-il attendre que ce droit soit aussi menacé en France pour relever son niveau de protection ? Assurément non. Quand un droit est directement menacé, il est souvent trop tard pour le protéger. Les Françaises et les Français, qui sont favorables à plus de 80 % à la réforme, ne s’y sont d’ailleurs pas trompés.
La constitutionnalisation permet aussi à la France de renouer avec son rôle historique d’aiguillon dans la défense des droits humains, alors que des centaines de millions de femmes vivent dans des pays où leurs droits sont niés, où elles ne sont pas maîtresses de leur destin. Aux iraniennes qui se battent pour leur liberté et qui affrontent l’obscurantisme du régime des Mollahs, à celles qui partout dans le monde doivent faire face à la tentation autoritaire des Poutine, Trump, Orban, Milei, nous avons envoyé un message de soutien puissant. Comme l’écrivait le général de Gaulle, le père de la Ve République, une constitution ce n’est pas simplement des institutions et une pratique c’est aussi « un esprit ». Le meilleur de l’esprit français souffle sur cette réforme.
La constitutionnalisation vaut aussi réparation pour les malheurs des femmes qui pendant des décennies ont du agir dans la clandestinité, ont été poursuivies, condamnées et mêmes guillotinées pour avoir procédé ou subi un avortement.
Tout en permettant ces avancées, la réforme ne modifie pas le subtil équilibre établi par la loi Veil en 1975 et enrichi depuis par le législateur entre la liberté des femmes de recourir à l’IVG et la protection des droits de l’enfant à naître passé un certain délai. Elle ne remet pas non plus en cause, comme j’ai pu le lire ici ou là, la liberté des médecins de pratiquer ou non des avortements. Leur liberté de conscience est d’ores et déjà protégée par notre Constitution.
Alors cette année, même s’il reste beaucoup à faire en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en matière de réponse pénale aux violences sexistes et sexuelles et pour que les femmes puissent accéder partout à la liberté désormais constitutionnelle de recourir à l’IVG, nous pouvons nous réjouir collectivement d’avoir fait avancer une juste cause.
Alexandre Ouizille
Sénateur de l’Oise