Contribution générale au 80e congrès du Parti socialiste, initié par Combats socialistes.
Le socialisme a jailli des tréfonds de la société industrielle comme une soif de justice face à la violence du monde libéral. Il est né dans les usines et dans la rue. Il s’est forgé dans le combat des travailleuses et des travailleurs face à un ordre injuste et un État partial.
Avec l’avènement et la consolidation progressive de la République, les socialistes ont fait le choix des institutions. Elles et ils ont été élus dans les mairies et au Parlement. Ils ont même choisi, après un débat fécond sur la nature du régime républicain, la participation ministérielle et l’exercice du pouvoir. De tout cela, nous héritons une République sociale à bien des égards exemplaire, où de larges pans de la vie comme la santé et l’éducation ont été soustraits au libre marché pour être socialisés. Une République laïque dans laquelle le pouvoir vient du bas, qui cherche à rendre la raison et les Lumières populaires et qui, aussi, garantit la neutralité de l’État et la liberté de conscience.
Bien sûr, cet héritage est contesté, attaqué et surtout affaibli par 40 ans d’offensive néolibérale. Il n’en demeure pas moins que pour l’immense majorité des Françaises et des Français, ces conquêtes sont le cœur et le ciment de notre contrat social.
Notre goût immodéré pour la synthèse et le consensus s’est transformé en une forme d’engourdissement.
Le sens du combat
Alors que s’ouvre le 80e congrès des socialistes à Marseille, nous croyons que la définition d’un contrat social-écologique actualisé à l’ère de l’anthropocène implique que les socialistes tracent de nouvelles frontières de l’émancipation collective et individuelle. Des combats socialistes, identifiés comme tels, sources de fierté et de mobilisation.
Nous avons aussi la conviction que nous avons collectivement un problème de pratiques politiques et d’habitus. Sans doute nous sommes-nous trop habitués au confort des institutions au point qu’une partie des Français ne nous perçoit plus que comme des gestionnaires. Notre goût immodéré pour la synthèse et le consensus s’est transformé en une forme d’engourdissement.
Enfin, nous sommes persuadés que l’échec retentissant du socialisme aux deux dernières élections présidentielles tient aussi à la fossilisation de notre organisation. Les Françaises et les Français ne feront pas confiance à celles et ceux qu’ils ont déjà vu à l’œuvre. De ce fait, le renouvellement de nos cadres politiques apparaît comme une urgence absolue. Il n’y aura pas de nouveau Parti socialiste sans nouveaux socialistes.
C’est la quasi-extinction ou en tout cas la relégation d’une ligne combattante qui a failli détruire le socialisme français.
Pendant de très longues années, une certaine presse, la droite et une partie des socialistes eux-mêmes regrettaient la prétendue arriération du socialisme français : le fait que les socialistes en France n’aient pas fait – suffisamment – leur profession de foi réformiste, refusant le blairisme comme la ligne Schröder et regardant avec méfiance les stratégies d’accompagnement de la mondialisation.
Ce qui était perçu comme une malfaçon, était certainement ce qui faisait tenir ensemble le socialisme et la gauche française. À trop vouloir s’éloigner d’une gauche plus remuante, certes, mais aussi combattante, associative et syndicale, les socialistes ont perdu le fil de leur histoire partagée avec le reste de la gauche. Ils ont confondu le compromis et une forme de conciliation avec l’ordre du monde. Ils ont sans doute fini par céder à la fable de la fin de l’histoire et à celle du doux commerce, contées par les libéraux. Résultat, ils n’ont jamais su, dans la période, remettre en question un modèle qui produit injustice et dévastation écologique. Jusqu’au couperet de 2017, où ils se sont retrouvés anéantis d’avoir déclaré irréconciliable leur propre camp. Depuis nous reconstruisons.
Dans ce cadre, le geste de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale doit être prolongé. Il représente un tournant coopératif inédit pour la gauche française. Il a levé le doute sur notre appartenance à la gauche. Il a signifié à tous que par-delà les querelles légitimes ou futiles qui agitent la gauche politique, il y a la responsabilité supérieure de poser les jalons d’une alternance qui ne soit pas le Rassemblement national. Et parce que c’est aux socialistes qu’il en a le plus coûté de rentrer dans cette coalition, c’est eux qui en ont tiré le plus de crédit.
Nous pensons qu’il n’y a pas de victoire possible pour l’élection présidentielle à gauche sans les socialistes. Prouvons-le. Soyons les meilleurs.
C’est donc en son sein, dans cette chrysalide, que les socialistes doivent se régénérer, dans la coopération mais aussi dans l’émulation. Nous pensons qu’il n’y a pas de victoire possible pour l’élection présidentielle à gauche sans les socialistes. Prouvons-le. Soyons les meilleurs.
Pour cela, posons les grands combats de demain. Ceux qui peuvent unir une coalition sociale qui va des bourgs populaires aux quartiers populaires, en passant par les classes moyennes en voie de précarisation, la jeunesse, les outre-mers et la partie la plus solidaire de la bourgeoisie urbaine. Inventons un récit commun à tous ces groupes, des points de ralliements.
Nous en proposons six qui ont, nous semble-t-il, une vocation majoritaire.
Pour construire un socialisme écologique, il nous faut adopter une approche systémique dans laquelle l’habitabilité de la terre est le cadre indépassable du développement économique et de la justice sociale. Il nous faut comprendre que la nature ne saurait être perçue sous le seul prisme de la ressource à injecter dans le processus productif. Elle est l’enveloppe qui nous entoure, le cadre biologique mais aussi esthétique de nos existences.
Les socialistes ont été des acteurs de la domestication sociale du capitalisme.
Les socialistes ont été des acteurs de la domestication sociale du capitalisme. En le forçant à s’accommoder du suffrage universel, puis en le contraignant à accepter les progrès sociaux que le suffrage universel a produit, nous avons changé le capitalisme dans le sens de nos conceptions socialistes de la justice. Il nous faudra faire de même au XXIe siècle pour lui donner comme limite le vivant.
L’urgence est donc la décarbonation dans la justice de nos principaux secteurs d’émission : nos moyens de transport, notre alimentation, notre logement et nos biens de consommation courante de l’habillement au numérique. Tous les Français ne devront pas faire les mêmes efforts. C’est d’abord aux 10 % les plus riches qui émettent 5 fois plus de carbone que la moitié des Français, qu’il va falloir demander de bouleverser leurs pratiques culturelles et de consommation. Aussi pour tous, il faut que l’État apporte des solutions pour qu’il soit demain aussi absurde d’imaginer une maison sans eau courante qu’une maison qui ne soit pas basse consommation. C’est le sens de la création d’une caisse d’amortissement de la dette écologique capable de financer une véritable planification écologique et les investissements multisectoriels nécessaires pour limiter à 1,5°C la hausse des températures.
Le socialisme ne croit pas en la main invisible du marché qui distribuerait justement rémunérations et prestiges. Il s’est construit sur l’idée que la répartition de la richesse et les conditions de travail résultent d’un rapport de force et, le cas échéant, sur le rôle régulateur de l’État.
De ce fait, les socialistes se sont toujours battus pour que le travail ait du sens et soit exercé dans des conditions satisfaisantes, paye bien pour tous et que soit consacré un droit au travail qui garantit aux salariés qu’ils ne tombent pas dans les affres du chômage.
Aujourd’hui, après quarante ans de chômage de masse où la peur de perdre son emploi freinait toute revendication d’amélioration des conditions de travail, le phénomène mondial de la grande démission et la crise actuelle du recrutement, permettent d’envisager des évolutions favorables. La juste reconnaissance des métiers pénibles, l’amélioration de la santé, le respect de la sécurité des travailleurs, la réduction des risques psychosociaux sont une nécessité dans une France qui détient le record d’Europe du nombre d’accidents du travail. À côté de cela, une action puissante sur le niveau des salaires dans un moment inflationniste et sur le chômage persistant est nécessaire.
La protection salariale garantie et le facteur 12 pour limiter les écarts de salaire
La protection salariale garantie vise à mettre un cran d’arrêt au grand schisme de la dispersion des salaires. En effet, depuis 2008, le salaire des 20 % les plus aisés a progressé trois fois plus vite que le salaire des plus modestes. Le principe de la garantie de salaire est que, concrètement, une partie progressive de la rémunération du travail des 5 % les plus aisés finance automatiquement une hausse de la rémunération des 30 % les plus modestes. 5 millions de personnes verraient ainsi leur salaire augmenter en moyenne de 120 € net par mois, sans aucun coût additionnel pour l’entreprise ou l’État. Plus drastiquement, il faudrait mettre en place des mesures légales pour tenir des écarts salariaux décents dans les entreprises et sanctionner systématiquement les inégalités salariales hommes-femmes. Nous proposons un facteur 12 entre les différents salaires dans une entreprise, alors qu’il peut atteindre jusqu’à 250 dans une entreprise du CAC 40 aujourd’hui.
La garantie de l’emploi
À côté de cette grande divergence des salaires, il continue d’exister un chômage persistant, de longue durée, qui touche plus d’un million de personnes dans notre pays. Il nécessite un accompagnement social pour permettre aux individus de retourner vers le travail. Ce chômage est un immense gâchis. C’est pourquoi, la garantie de l’emploi assure à chaque personne qui souhaite travailler un emploi à temps choisi rémunéré au SMIC financé par l’État. Cette utopie réaliste, que l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée rend déjà possible dans une cinquantaine de territoires, doit être progressivement généralisée.
L’école a une place à part dans l’idéal socialiste. Elle doit être un lieu d’émancipation collective et individuelle. Collective, car en élevant le niveau général de connaissance, en permettant d’acquérir des clés de compréhension de la société et en développant la réflexivité, elle ouvre la voie de l’autonomie citoyenne. Individuelle, car elle doit offrir la possibilité à chacun d’aller au bout de son talent.
La démocratisation scolaire a eu pour ambition d’en faire le lieu de distribution des positions sociales selon les aptitudes des individus et non en raison de l’appartenance de classe. La réalité est que ce projet n’est pas abouti. L’école publique est aujourd’hui affaiblie. La promesse de l’émancipation par l’école s’est transformée, dans de nombreux territoires, en fiction. Les objectifs de mixité sociale ont été abandonnés. Cette injustice nourrit les désillusions, les ressentiments et la colère qui traversent notre pays.
Nous devons retrouver les racines de la promesse républicaine.
Devant ce constat, et face aux offensives des conceptions conservatrice et libérale de l’école qui remettent en cause son rôle émancipateur et réduisent le socle commun de connaissance sous couvert de professionnalisation – nous devons retrouver les racines de la promesse républicaine.
Pour mener ce combat, nous proposons d’abord à court terme d’allouer équitablement les moyens aux établissements scolaires – publics comme privés – en tenant compte des Indices de Position Sociale des élèves accueillis pour que les moyens soient renforcés là où les difficultés sont plus importantes. Il nous faut aussi universaliser le système scolaire comme condition du financement public en faisant peser les mêmes obligations sur le secteur public que sur le secteur privé sous contrat et en interdisant la sélection sur dossier dans le premier et second degré. Sur le plus long terme, nous devons viser une extension de la sphère publique dans le secteur scolaire passant par une réduction progressive des financements de l’école privée.
Il s’agit aussi de créer un service public national de la petite enfance et de réduire les inégalités d’accès aux crèches privées, en ayant recours aux leviers de financements complémentaires publics et des employeurs.
Accompagner celles et ceux qui ont le plus besoin de l’école ne peut se faire par intermittence. Les longues périodes de vacances, héritées d’une République encore largement agraire, aggravent les inégalités entre les enfants des classes privilégiées et ceux des classes populaires. C’est pourquoi, le temps scolaire doit être mieux réparti dans l’année, pour un meilleur suivi de la progression des élèves et le droit aux vacances pour tous les enfants réaffirmé, comme véritable levier d’émancipation.
Enfin, il n’est pas normal que les personnels d’éducation se sentent abandonnés par leur hiérarchie lorsqu’ils tentent d’enseigner nos principes essentiels. Chaque enseignant doit se savoir protégé par l’État. Ce devoir de protection a manqué à Samuel Paty alors qu’il était en danger. La gauche socialiste sera toujours aux côtés des professeurs lorsqu’ils enseignent la liberté de conscience, d’expression et la laïcité. Ils sont les porte-voix de la promesse républicaine.
Certains pensent que le politique ne peut plus rien pour lutter contre les discriminations. Nous refusons cette vision sans volontarisme. Le progrès social est une conquête politique, loin de l’ordre naturel des choses. Simone de Beauvoir disait qu’il suffira d’une crise pour remettre en cause les conquêtes de l’égalité ; nous sommes aujourd’hui au cœur de nombreuses crises. Notre combat ne doit pas être un combat en défense mais bien en attaque.
Notre combat ne doit pas être un combat en défense mais bien en attaque.
Pour nous, jamais personne ne sera disqualifié pour porter les luttes féministes, antiracistes, contre l’antisémitisme ou les LGBTIphobies en raison de ce qu’il ou elle est. Nous ne ferons pas l’erreur de croire que l’identitarisme peut être porteur d’émancipation. Nous n’adhérons pas à une forme de séparatisme militant qui parfois se dessine. Dire cela ne signifie cependant pas être aveugle aux situations de discrimination.
Nous le disons avec force, ce n’est pas l’universalisme qui a échoué, ce sont les politiques publiques qui se sont accommodées des inégalités et n’ont pas tenu la promesse de la République jusqu’au bout. Nous nous agaçons de voir certains se complaire dans la romantisation de la montée du rigorisme religieux, alors qu’il n’est pas porteur d’émancipation, mais bien de réaction, par clientélisme, paresse intellectuelle ou pire, par adhésion.
Il nous faut retrouver la confiance et un universalisme de combat. Contre le racisme et les discriminations, nous souhaitons un récépissé de contrôle d’identité, renforcer les institutions comme la DILCRAH en en faisant des autorités indépendantes et utiles. À l’école, nous devons créer de nouveaux modules d’enseignement pour lutter contre les discriminations. La lutte contre la haine se joue aussi sur les réseaux sociaux et dans les médias. Ils doivent êtes responsables des propos qui sont tenus dans leurs espaces. Des discriminations demeurent encore invisibilisées, il s’agit des discriminations faites aux personnes LGBTI, notamment transgenres et intersexes. Nous souhaitons voir cesser les mutilations infantiles et faciliter les procédures de changement de genre à l’État civil.
Enfin, nous l’affirmons aussi : à gauche, nous devons être intraitables face à la percée d’un argumentaire antisémite, qui se propage dans le vocable de certains responsables politiques. Ces saillies nous salissent tous.
Notre État ne montre plus le meilleur de lui-même. Les grands services publics qui protègent, souffrent de sous-effectifs, de précarisation et de fuite de personnel, de saturation et d’embolie permanente. Ceux qui y travaillent ne sont plus reconnus à la juste valeur de ce qu’ils apportent d’essentiel à la société. Qu’ils ou elles soient sur le terrain, sapeurs-pompiers, policiers, gendarmes, dans les bureaux, derrière les guichets, derniers rouages d’une administration en voie de déshumanisation, tous témoignent du même malaise.
Le sous-investissement est criant et le point de rupture est proche – parfois même atteint.
Dans de très nombreux territoires, les fermetures des services d’urgence et des maternités sont devenus le triste symbole de cet abandon. La difficulté à trouver un médecin généraliste est une grave remise en question du contrat même de la sécurité sociale, dans lequel chacun cotise selon ses moyens et devrait recevoir selon ses besoins. La partie de la population qui le peut compense le recul des services publics par le système payant, privé, réservé à quelques-uns. Nos services publics unissaient la Nation autour d’eux, garantissaient l’égalité d’accès à des besoins essentiels. Ce n’est plus le cas.
La Nation doit investir massivement dans ses services publics.
Il faut réunir à nouveau les Français autour d’un État qui fonctionne. La Nation doit investir massivement dans ses services publics. II faut avec de nouvelles ressources mettre en œuvre un plan notamment pour les hôpitaux qui comprend le recrutement de soignants et établit un ratio minimum d’encadrement. Un plan qui renforce la régulation du privé lucratif, limite drastiquement l’intérim médical et vise une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Nous pouvons aussi à côté de ces grands services publics émancipateurs financer par une modification de l’imposition sur l’héritage un patrimoine républicain universel à la majorité pour chaque Française et chaque Français qui offre les moyens de démarrer son parcours personnel et professionnel quelle que soit son origine sociale. Cela permettrait notamment de financer l’accès à un logement alors que la question de la disponibilité, de la salubrité et du prix de ceux-ci est centrale pour des millions de personnes. L’État doit s’engager davantage pour la construction et de vrais parcours résidentiels.
La Chine et la Russie mettent au défi les démocraties. La Chine parce que son modèle de contrôle social – assis sur de puissantes innovations technologiques – qui vise « l’harmonie » réalise une synthèse inédite de prospérité et de paix dans un régime autoritaire. La Russie car elle menace militairement les nations de l’Europe.
Il nous faut lutter sans relâche contre la fascination du modèle chinois. Fascination des autocrates à qui la Chine donne un espoir de réussite. Fascination d’une partie des opinions publiques européennes, lassées par la démocratie, ses procédures, ses règles, ses disputes, ses libertés et qui croient trouver dans l’autoritarisme une réponse à la complexité du monde. Cela implique de dénoncer avec fermeté les atrocités de ce régime et d’abord le génocide Ouighours, de retrouver une autonomie stratégique notamment pour les économies européennes trop dépendantes de leurs exportations asiatiques comme l’Allemagne, de prendre conscience de la fragilité de nos démocraties et de les défendre pied à pied dans le débat public compte tenu des guerres informationnelles en cours.
Face à la Russie, l’unité d’action européenne doit être maintenue, y compris dans l’épreuve énergétique. Notre complexe militaro-industriel national doit se renforcer en renouant avec des coopérations européennes équilibrées et loyales. La production de notre avion de combat de nouvelle génération est une priorité. Il nous faut approfondir nos coopérations entre européens à l’heure où les élections intermédiaires rendent incertain le soutien américain à l’Ukraine.
Notre crédibilité à opposer la démocratie et le respect des droits humains en particulier des droits des femmes comme modèle face aux régimes autoritaires repose sur notre propre capacité à préserver nos libertés publiques face à l’arbitraire. Pourtant, depuis plusieurs années un glissement s’est opéré. La police administrative et le préfet, sous ordres du gouvernement, ont désormais des pouvoirs équivalents à ceux du pouvoir judiciaire, en termes de surveillance, de perquisitions et d’empiétement sur la vie privée.
Seule une justice forte, indépendante, avec des moyens retrouvés pourra mener le combat nécessaire contre le terrorisme, comme l’ont prouvé les grands procès des attentats de Charlie, de l’Hypercasher et du 13 novembre. L’agitation de l’actuel Ministère de l’Intérieur, qui veut caporaliser la justice et concentrer les pouvoirs, en accusant les étrangers d’être à l’origine de la majorité des faits de criminalités, ne masque pas le manque cruel de moyens dédiés au travail d’investigation, de renseignement, ou à la lutte contre les dérives sectaires et les violences sexistes et sexuelles, indispensables à la cohésion de notre société.
Pour porter ces combats, le Parti socialiste doit redevenir un grand parti de militantes et militants, capable d’accueillir en son sein celles et ceux qui aujourd’hui s’engagent pour des causes, dans des collectifs citoyens, dans l’associatif, l’éducation populaire, le syndicalisme et le travail intellectuel et de recherche. Leurs combats doivent être nos combats.
Le Parti socialiste doit redevenir un grand parti de militantes et militants, capable d’accueillir en son sein celles et ceux qui aujourd’hui s’engagent pour des causes.
Pour la première fois depuis très longtemps, nous comptons plus d’un millier de nouvelles adhérentes et de nouveaux adhérents dans nos rangs. Il est essentiel d’entendre ce qu’ils et elles ont à nous dire, de s’intéresser à leur rapport d’étonnement et à ce regard neuf qu’ils posent sur une organisation et un fonctionnement que nous avons nous-même parfois cessé de questionner.
Parti de transformation sociale, le Parti socialiste doit être capable d’intégrer lui-même les grandes transformations de son époque : le numérique, l’accélération de l’information, le meilleur et le pire des réseaux sociaux, l’horizontalité et l’émergence de nouvelles formes d’actions militantes.
Pour poursuivre la rénovation du Parti socialiste, nous proposons 5 chantiers prioritaires.
Notre parti est une organisation à la fois très implantée et efficace pour gagner des batailles locales mais aussi trop souvent peu dynamique dans le portage de combats nationaux. Les sections sont des lieux de camaraderie mais la culture de l’action s’y est parfois perdue. C’est pourquoi, nous proposons la création de 5 espaces nationaux de mobilisation qui viennent à l’appui du système fédéral et auxquels peuvent adhérer n’importe quel militant socialiste qui souhaite se mobiliser sur ces thématiques. Ces espaces contiendraient du contenu, de la formation et proposeront un répertoire d’actions militantes et des rendez-vous de combats. Ils seraient animés par une équipe de secrétaires nationaux. Nous proposons l’espace de l’égalité réelle pour les luttes contre les discriminations, l’espace de la reconstruction écologique, l’espace du monde du travail, celui de l’Europe et de l’Internationale socialiste et l’espace des services publics.
Nos congrès reflètent la profondeur de notre culture démocratique. Ils sont le moment de choix décisifs pour l’avenir. Le congrès de Marseille ne fera pas exception.
Néanmoins nous avons eu 3 congrès en moins de 5 ans. Cela n’a pas de sens. D’abord parce qu’un tel rythme favorise une forme d’introversion. Au moment où le parti socialiste doit s’ouvrir sur la société et se concentrer sur la construction d’un projet à vocation majoritaire, il semble en permanence se refermer sur le débat avec lui-même. Ensuite, parce que ce rythme du congrès permanent tend à créer une culture de l’affrontement délétère pour le travail collectif. Enfin, car il faut laisser à une direction le temps de travailler dans la sérénité. Nous proposons donc que la vie démocratique des socialistes corresponde à la vie politique du pays et que les congrès interviennent tous les 5 ans dans les six mois suivant l’élection présidentielle. Cela n’empêche pas de moderniser nos processus et de faire vivre le débat entre deux congrès. D’abord en restaurant le principe d’égalité entre tous les adhérents. Les règles des « six mois pour voter » et des « trois ans pour être élu » doivent tomber pour favoriser l’attractivité des socialistes et permettre d’intégrer immédiatement les dynamiques politiques à l’œuvre. Ensuite en instituant des consultations en ligne sur des sujets d’actualité politique ou des sujets stratégiques.
Les élus territoriaux socialistes sont les ambassadeurs du socialisme en France. Ils sont ceux qui marquent par leur politique, au quotidien, la différence entre la droite, l’extrême droite et la gauche. Ils sont donc des repères et des prescripteurs. Il faut qu’ils expérimentent, à la manière des socialistes utopiques du XIXe siècle, des mesures qui permettent d’identifier les socialistes comme tenant d’un corpus singulier.
Pour cela, un lieu de coordination, un parlement qui rassemble des élus-militants de toute la France, pourrait être installé. Il se réunirait annuellement pour discuter de politiques qui pourraient être déclinées dans nos collectivités locales comme des mesures proprement socialistes. C’est une manière de mettre en évidence une unité d’action, des thèmes de prédilection, lorsqu’on est en situation d’opposition au niveau national.
Cette unité d’action doit par ailleurs être garantie par le fait que le premier secrétaire national et la présidence de la FNESR partagent l’orientation majoritaire du congrès.
Aucune majorité électorale de gauche ne pourra se construire dans ce pays sans s’attaquer aux poches de défiance que constitue le vote RN qui s’est enkysté dans certaines régions là où la gauche dominait autrefois. Marine le Pen a gagné 3 millions de voix lors de la dernière élection présidentielle. Le RN est le seul parti qui progresse en nombre de votants. Il n’y aura pas de nouvelle conquête électorale sans reconquête culturelle et sociale.
Dès les prochaines élections, une stratégie territoriale doit être développée pour éviter que cette dynamique ne devienne irréversible avec des moyens et des objectifs clairs : reprendre 100 villes et faire reculer le RN dans des secteurs symboliques.
Une véritable école de formation des militants et candidats doit être créée pour dispenser des modules obligatoires et travailler avec les futurs candidats chargés de la reconquête des villes et circonscriptions qui ont basculé.
L’âge moyen des Français est de 42 ans. À 55 ans, on est pourtant jeune au Parti socialiste. Il faut que cela cesse par des procédures qui assurent le renouvellement de nos élus, de nos cadres et de nos militants.
C’est une question de continuité pour notre organisation dont il faut éviter la fossilisation. C’est aussi une question d’adéquation avec les aspirations de notre temps. Une formation politique qui n’a pas une pyramide des âges équilibrée est forcément en décalage avec les pratiques culturelles, les réalités vécues et les modes de militantisme de son temps. La dernière expérience socialiste du pouvoir a été pour de nombreux Français de gauche, une déception. Si nous voulons désormais qu’ils fassent confiance à un nouveau Parti socialiste, il faut de nouveaux socialistes. Nous proposons qu’à chaque élection, interne ou externe, un ratio de renouvellement et de parité de 50 % des candidates et des candidats en situation de gagner soit instauré, à commencer par les élections sénatoriales de 2023.
Nous voulons également imposer le renouvellement et la parité réelle aux postes clés de notre organisation partisane ainsi que dans les équipes de négociateurs. Pour ce faire, nous voulons simplifier et ouvrir l’exercice des responsabilités politiques, tendre vers plus de collégialité et garantir un meilleur équilibre entre vie militante, vie professionnelle et vie personnelle. L’animation des fédérations et des sections doit pouvoir s’exercer en binôme paritaire. Nous proposons le respect de la parité dans toutes les instances et la présence des secrétaires nationaux et fédéraux à l’égalité dans toutes les commissions électorales et équipes de négociations.
Le fil de notre contribution au 80e congrès des socialistes est clair. Il nous faut réaffirmer les combats qui fondent notre engagement, retrouver l’essence de notre tradition militante et finalement, revenir aux racines du socialisme français.
Cet acte d’affirmation et de modernisation de notre parti, nous voulons le mener aux côtés d’Olivier Faure dans la continuité du travail engagé depuis 4 ans pour réinscrire le Parti socialiste au cœur de la gauche et réaligner les socialistes avec leur histoire.
C’est ainsi que nous serons fidèles au socialisme.
Il n’y a pas de roses sans épines.
Il n’y a pas de socialistes sans combats socialistes.