Lundi 8 avril s’ouvrait le procès des Panama Papers, un scandale d’évasion fiscale datant de 2016. Alors que le gouvernement prétend combler le déficit public en s’attaquant aux chômeurs, il est utile de rappeler la litanie de révélations sur l’évitement de l’impôt par les plus fortunés. Ces scandales se sont multipliés après la crise financière de 2008, qui a dévoilé l’ampleur des comportements frauduleux du secteur financier. Une liste non-exhaustive.
1️⃣ En 2013, les « Offshore Leaks ». Une fuite de 2,5 millions de documents dévoile l’existence de 100 000 sociétés offshore aux îles Vierges britanniques, Caïmans, Cook et à Singapour. Ces sociétés-écrans, sans activité réelle, hébergent la fortune d’individus du monde entier pour leur faire bénéficier de taux d’imposition quasi nuls. Cette fuite massive a mis en lumière le mécanisme financier de la société-écran, devenu le symbole de l’évasion fiscale. Elle a aussi épinglé la complicité des banques, comme en France BNP Paribas et le Crédit Agricole, qui ont participé à ces démarches au profit de leurs clients.
2️⃣ En 2014, les « LuxLeaks ». Deux anciens salariés du cabinet de conseil PwC révèlent un vaste système de « rescrits fiscaux » au Luxembourg, permettant à 340 multinationales de négocier des taux d’imposition avantageux avec le fisc luxembourgeois, via des cabinets de conseil. Cette affaire est doublement choquante. D’une part, des entreprises multinationales (Apple, Amazon, Pepsi, Ikea, Deutsche Bank, Disney…) échappent à l’impôt qu’elle doivent au regard de leur activité et de leurs profits. D’autre part, un pays membre de l’UE s’enrichit au détriment de ses voisins, par le biais d’une concurrence fiscale déloyale.
3️⃣ En 2015, les « Swiss Leaks ». Les activités illégales de la filiale suisse de HSBC fuitent : elle a vendu ses services à des organisations criminelles, des milliers de clients étrangers y ont un compte bancaire non-déclaré, et elle proposait des dispositifs d’évasion fiscale via des sociétés-écrans. En France, c’est presque 6 milliards d’euros qui auraient échappé à l’impôt sur ces fameux « comptes en Suisse ». L’affaire permet aussi la remise en question du sacro-saint secret bancaire suisse, et montre les liens entre évasion fiscale et grand banditisme. L’échange d’informations bancaires au sein de l’Europe sera institutionnalisé peu après.
4️⃣ En 2016, les « UBS leaks ». On y apprend que le gestionnaire de patrimoine UBS AG a mené dans les années 2000 un démarchage agressif auprès de grandes fortunes françaises. Au total, plusieurs dizaines de milliers de français avaient ouvert un compte à UBS, dissimulant jusqu’à 20 milliards d’euros. L’affaire montre le rôle actif des banques suisses pour favoriser l’évasion fiscale, avec des « chasseurs » qui identifient des « prospects » (des clients cibles) en écumant les événements branchés en France.
5️⃣ En 2016 toujours, les « Panama papers ». Un consortium de journaux internationaux met la main sur 11,5 millions de documents du cabinet Mossack Fonseca, spécialiste de la création de sociétés-écrans au Panama. Ils révèlent une évasion fiscale à grande échelle, impliquant là encore des banques comme Société Générale, BNP Paribas ou Crédit Agricole. Les Panama papers sont une déflagration mondiale par leur ampleur inégalée, le scandale touchant à des personnalités du monde entier (David Cameron, Lionel Messi, les époux Balkany…) et à des montants colossaux. Le Panama intègre la liste noire des paradis fiscaux.
6️⃣ En 2017, les « Paradise papers ». Cette fuite de 13,5 millions de documents issus de cabinets spécialisés a trois particularités : elle concerne majoritairement l’optimisation fiscale, elle éclabousse de nombreux dirigeants, et elle examine l’immatriculation des jets privés dans des paradis fiscaux et réglementaires. Les Paradise papers montrent comment les failles de la législation contribuent autant que la fraude à l’évasion fiscale. En se concentrant sur des personnalités publiques et sur le symbole des jets privés, ils font aussi le portrait d’une certaine classe dominante.
7️⃣ En 2018, les « CumEx Files ». Il s’agit d’une fraude massive exploitant les mécanismes financiers du « Cumcum » et du « CumEx ». Ces derniers permettent à un investisseur étranger d’éviter l’impôt sur les dividendes en transmettant temporairement ses actions à une banque nationale, au moment de l’année où la taxe devrait être réglée. L’ampleur de cette fraude ne cesse d’être réévaluée, atteignant un préjudice de 140 milliards d’euros en Europe sur vingt ans (2000-2020). En France, pays le plus touché, c’est 33 milliards, par l’intermédiaire de BNP Paribas, Société générale, Natixis et Crédit Agricole.
8️⃣ En 2021, Les « Pandora papers ». Cette fois, ce sont 12 millions de documents provenant de 14 cabinets spécialisés qui soulignent l’ampleur systémique de l’évasion fiscale, principalement via des sociétés-écrans situés dans des paradis fiscaux. Des dizaines de milliers de particuliers sont mis en cause, dont 130 milliardaires et de nombreux chefs d’État (actuels ou passés), comme Tony Blair ou le roi de Jordanie Abdallah II.
On aurait aussi pu parler des « Bahamas Leaks » (2016), des « Football Leaks » (2016), des « Malta files » (2017), ou bien du scandale « OpenLux » (2021)… L’évasion fiscale des plus riches est un puits sans fond, mais un puits qui sape le fondement même de notre démocratie : la cohésion sociale. Si des progrès de transparence ont été faits depuis, il reste encore beaucoup de route avant que l’État soit moins faible avec les forts qu’il n’est fort avec les faibles.
À toutes fins utiles, la fraude aux prestations sociales est évaluée en France à moins de 3 milliard d’euros (Caisse d’Allocations Familiales), contre autour de 80 milliards pour la fraude fiscale (Solidaires Finances Publiques).